Mohamed Maarouf revient sur l’évolution du microcrédit au Maroc. Le secteur a connu une première crise il y a deux ans, dix ans après son lancement. Près d’un million de personnes, soit 15% des ménages sont bénéficiaires.
Econostrum.info : Plus de deux ans après la période de turbulences traversée par le secteur du microcrédit au Maroc, peut-on estimer que le secteur est sorti d'affaires?
Mohamed Maarouf : En 2007, le secteur de la microfinance au Maroc s’est retrouvé confronté à la première grande crise de son histoire. Les raisons de cette crise sont quasi similaires à celles qui avaient donné lieu aux premières crises du microcrédit en Amérique latine. Elles sont liées à la croissance non maîtrisée du portefeuille des actifs, à l’absence d’instruments efficaces de gestion des risques et au dépassement des capacités institutionnelles de certaines institutions de microfinance (IMF).
Fin 2009, le secteur affichait un encours de 4,8 Mds de MAD (environ 427 M€), en baisse de 16%, ainsi que 307 M de MAD de créances en souffrance, en hausse de 2%. Parallèlement, le nombre de bénéficiaires des prêts des associations de microcrédit a baissé de 1,2 million de clients à 916 861 en 2009.
Aujourd’hui, la situation se stabilise progressivement. Mais on ne peut, pour autant, avancer que le secteur soit sorti d’affaire. Des mesures ont été prises pour assainir le portefeuille. Les IMF ont mis en place des plans de redressement.
Désormais, elles échangent régulièrement des informations sur les impayés de leurs clients, afin de contrôler les crédits croisés. Une centrale des risques est même en cours d’installation.
Néanmoins, l’impact a été très fort et les IMF se sont retrouvées en phase de décélération, après des années de croissance à deux chiffres.
Econostrum.info : La baisse du nombre de bénéficiaires traduit-elle un essoufflement du marché?
Mohamed Maarouf : La demande potentielle pour le microcrédit au Maroc est estimée à 5 millions de personnes. Cette baisse ne dénote pas un essoufflement de la demande, mais plutôt la volonté d’assainir les portefeuilles.
Certaines études ont montré que le taux d’endettement croisé avait atteint des proportions alarmantes, jusque 40%. La crise des impayés a nécessité de ralentir momentanément l’activité, pour nettoyer les portefeuilles et éviter le risque de surendettement.
Econostrum.info : Comment expliquer la réussite du microcrédit au Maroc, comparé aux autres pays de la région Mena?
Mohamed Maarouf : Il y a d’abord l’existence d’une forte demande pour des produits de crédit appropriés aux besoins des micro-entrepreneurs longtemps écartés du système classique de financement. Ces populations sont souvent victimes des usuriers et généralement en situation de sous financement de leurs activités.
Par ailleurs, l’Etat a joué un rôle majeur dans la mise en place d’un cadre juridique adéquat qui a permis un lancement et une évolution sereine du microcrédit dans le pays. Cette réussite s’explique par ailleurs par la vitalité d’une communauté de leaders sociaux, lesquels ont orienté et dirigé les associations avec beaucoup de conviction et d’ouverture pour la recherche des bonnes pratiques.
Christelle Marot, à CASABLANCA @ econostrum.info
Publié par Mohamed Maarouf à 14:22